1889, pose du premier vitrail de la nef, à gauche en entrant dans l’édifice. Selon un bulletin paroissial de 1927, il est donné par Anastasie Mérand.
Il s’agit de Saint Michel terrassant le dragon que l’on retrouve aussi sous forme d’une statue à la base du vitrail. Le personnage représenté brandit de sa main droite l’épée du champion de la cause de Dieu. Dans l’Apocalypse, dernier livre de la Bible, l’Archange Michel et ses anges combattent le démon et ce dernier n’a pas le dessus, il ne se trouve plus de place pour lui et ses sbires dans le ciel :
« Il est précipité le grand dragon, l’antique serpent, celui qu’on nomme le diable et Satan, le séducteur du monde entier, il est précipité sur la terre et ses anges avec lui. »
Comme le veut l’héritage médiéval, le Commandant Saint Michel garde les portes du Paradis, il est donc à la bonne place ici. L’archange, patron traditionnel des tonneliers et marchands de vin, est aussi celui des chapeliers, autan de métiers exercés à proximité de cette église.
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En remontant la nef, nous découvrons le deuxième vitrail, côté gauche. L’évènement représenté ici se déroule à Paris dans l’église Notre Dame des Victoires*. Il est raconté dans les « Manuscrits autobiographiques » de Thérèse Martin, née en Janvier 1873, plus connue sous le nom de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. En signe d’action de grâce**, la famille se rend à Paris, en la basilique du 2ème arrondissement, dédiée à la madone.
La scène représente les pèlerins dans le sanctuaire, le vendredi 4 novembre 1887. Le père, Louis Martin, se tient à genoux à gauche. Thérèse âgée de 14 ans, en robe rouge, occupe le centre de l’image et elle est accompagnée d’une de ses sœurs, Céline, âgée de 18 ans. Après des démarches nombreuses et très volontaires, y compris près du pape Léon XIII, Thérèse entre au Carmel de Lisieux à l’âge de 15 ans. Morte le 30 septembre 1897 après avoir rédigé « L’Histoire d’une âme », elle devient très populaire au XXème siècle et en 1925 son nom entre dans le calendrier chrétien le 1ier octobre.
* Cette basilique, dont la première pierre est posée par décision de Louis XIII en 1629, à proximité du Palais Royal, se retrouve plus tard voisine de l’originale place des Victoires, achevée en 1740. Le célèbre pèlerinage à la Vierge débute en 1836. des dizaines de milliers d’ex-voto alignés sur les parois intérieures du sanctuaire parisien témoignent de son importance.
** Les Martin résident en Normandie. Pieux et aisés, ils voyagent non seulement en France (Lourdes, Paris, … ) mais aussi en Italie. Victime d’un cancer, Zélie, la mère de famille meurt alors que sa quatrième fille Thérèse est âgée de 5 ans. Quatre années plus tard, en 1882, elle tombe aussi gravement malade : on implore Notre Dame des Victoires. La guérison est subite.
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La scène qui suit imagine la Sainte Famille à Nazareth dans l’atelier du charpentier reconnaissable à ses outils : l’herminette par terre, le valet sur l’établi, la scie, les ciseaux à bois, l’équerre et un madrier travaillé avec la mortaise en queue d’aronde.
Vêtu d’un habit lumineux protégé par son tablier d’artisan, on y découvre Joseph en train de régler la tension d’une lame de scie. Marie, son épouse, revêtue d’une grande chape bleue, plie ou reprise le linge de la maison près de sa corbeille à ouvrage et de la quenouille des fileuses. L’enfant Jésus, comme un apprenti, semble ébaucher la taille d’un sabot à l’aide d’une gouge, sous le regard attentif des parents.
A la porte de l’atelier, la tonnelle de vigne donne la touche méridionale qui convient à la scène. Le modèle se veut édifiant et rappelle ce passage de l’évangile de Luc, après la fugue de Jésus au temple :
« A Nazareth, l’enfant grandit et devient fort et sage » comme une image pourrait-on ajouter. Le message s’adresse explicitement aux familles. Ce troisième vitrail est donné, comme le précédent par une demoiselle Verger bien connue dans la localité au début du siècle, semble-t-il.
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Le vitrail de Notre Dame de Lourdes est offert par Henriette Fonteneau, dont les initiales se lisent ostensiblement dans la partie inférieure. Cette jeune personne du village de la Roussière au Fief Sauvin est « enlevée trop tôt à sa famille et à la paroisse pour laquelle elle est un sujet d’édification » comme le précise le bulletin de la paroisse. Elle fait ce don avant de mourir à 32 ans, le 28 mai 1891. Les apparitions à Bernadette Soubirous ont lieu en 1858, au rocher de Massabielle, près du hameau de Lourdes dans les Pyrénées. Ce lieu de pèlerinage à la Vierge, mondialement connu chez les catholiques, a bouleversé en partie la vie sociale et même politique du second Empire, au moment même où le curé Fruchaud lance sa paroisse dans l’édification de la nouvelle église. Chaque année des millions de pèlerins, venant des quatre coins du monde, convergent toujours vers le sanctuaire pyrénéen. L’Absence d’une telle scène dans l’église serait surprenante.
Notons que l’école de Montrevault, ouverte depuis des décennies, permet aux ruraux comme aux enfants du chef-lieu de bénéficier des bienfaits de l’instruction. Dans les archives familiales de la jeune fille on peut lire le cahier contenant des pages écrites au milieu du siècle par un des anciens :
» … en 1848 au mois de février la république a commencé, … au mois de juillet ils se sont révolté à pari (Paris) à la Saint Maurice les bêtes ne se vendaient guère ; il y avait du vin en abondance à 15 francs la barrique ; on faisait des élections pour mettre des gens en place … et plus loin : en 1854 les bestes (bêtes) grasses et maigres étaient chères et valaient de 12 à 15 sous la livre, le froment valait 5 à 6 francs le double décalitre, le lare (lard) 10 à 12 sous la livre ; les patates 30 sous … ; »
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Poursuivons la visite en prenant un peu de recul pour la verrière nord du transept : la scène reproduit la Présentation de Jésus au Temple et le vitrail est dédié à Marie. L’anagramme AM, Ave Maria, dans la partie haute, rappelle la prière mariale.
Ici, le texte évangélique est illustré au pied de la lettre. Quarante jours après sa naissance : « les parents de Jésus le portent à Jérusalem avec deux colombes … Il y a alors un homme juste du nom de Siméon qui prend l’enfant dans ses bras et chante la gloire de Dieu. La traduction poursuit : « Le père et la mère sont émerveillés de ce que Siméon dit … Une femme nommée Anne qui est âgée de quatre-vingt-quatre ans ne quitte plus le temple … Elle aussi chante et parle de l’enfant à tous ceux qui attendent un sauveur. »
Les cinq personnages dont il est question ci-dessus sont présents dans le vitrail, sans oublier un lévite et les deux colombes dans les mains de Joseph dont la tunique est déjà observée dans la scène de Nazareth. Ce sont aussi les mêmes vêtements que l’on observe pour Marie. Quant au Temple, son architecture se rapproche de celle de la Grèce antique.
Chaque année le 2 février à la Chandeleur, l’Eglise allume des cierges – les chandelles – et l’évènement s’accompagne encore de crêpes à faire sauter et à déguster en joyeuse compagnie.
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Dans le chœur à gauche on découvre un vitrail invisible de la nef : Sainte Elisabeth (1207-1231). Princesse hongroise qui vit proche des lépreux, elle fonde un hôpital. Les roses blanches qu’elle semble sortir de sa cape rappellent une légende selon laquelle la jeune femme secoure souvent les plus pauvres, en leur apportant en cachette un peu de subsistance. Voulant dénoncer, les mauvaises langues découvrent … des fleurs.
Ce vitrail est donné par une famille de notaire exerçant dans la cité. au XIXème siècle, deux études notariales se partageaient les transactions cantonales.
Les donatrices : Elisabeth Bouchet et sa mère Elisabeth Reyneau décédée en mai 1863 selon l’état civil, n’ont pas laissé d’autres témoignages. Un demi siècle plus tôt durant quelques années, un membre de la famille (?) Michel Reyneau assure la fonction de maire. En 1794, plusieurs Reyneau furent des victimes locales de la Guerre de Vendée.
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L’annonciation vient ensuite avec l’Archange Gabriel apprenant à Marie la future naissance d’un Fils.
La scène est dominée par le Père aux vêtements rouge et vert, couleurs manifestant la puissance.
La colombe symbolise l’Esprit Saint.
Cette page évangélique est fêtée le 25 mars par l’Eglise.
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Notre Dame de l’Assomption, patronne du lieu, préside la nef. Les neuf étoiles* qui couronnent la tête de la Femme rappellent la description de l’Apocalypse de Jean.
La présence de deux anges et de trois apôtres renforce la dominante des couleurs bleue, rouge et or. L’image est accompagnée des fleurs de lys, attributs de la royauté.
Chaque année, le 15 août célèbre cette fête chrétienne.
* Le texte biblique : « un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; … » Apocalypse Chapitre 12
D‘aucuns veulent se souvenir que les pères de l’Europe auraient choisis cette référence en option emblématique pour le drapeau européen … Mais la polémique sur les racines de l’Union Européenne ne sauraient résider dans cette église Notre Dame !
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La Présentation de Marie au temple à droite du vitrail central est tirée d’un évangile de Jacques : le grand prêtre de la religion hébraïque reçoit la jeune Marie couronnée de roses blanches. Elle est accompagnée par Anne et Joachim ses parents.
Un lévite officie avec la lampe à huile, le chandelier à sept branches et … la fleur de lys toujours présente. Des angelots déroulant le message à la reine des anges : « Regina angelorum » complètent le tableau.
Cette fête du calendrier est célébrée chaque année le 21 novembre.
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Saint Dominique : 1170 ? – 1221
Il fonde l’ordre des Frères prêcheurs, les Dominicains. Il est fêté le 4 août.
Souvent représenté tenant dans la main un livre, une fleur de lys et un chapelet de roses ou rosaire qu’il aurait introduit dans la piété populaire.
En attitude de donateur, à la base du vitrail, on remarque le curé refondateur de l’église de 1862 : Dominique Fruchaud. A ses côtés le petit chien – celui du presbytère – symbolise la fidélité du bienfaiteur de l’église à son saint patron.
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La verrière sud du transept représente le mariage de Marie et Joseph. On remarque l’alliance d’or présentée par l’époux et le bâton fleuri porté comme un sceptre. C’est un attribut traditionnel du « père nourricier de Jésus » comme disait le catéchisme.
Cette scène est moins connue dans la tradition catholique puisqu’elle n’est pas relatée dans les évangiles officiels.
Joseph est particulièrement mis en valeur ici, avec le sigle S.J. dans la partie supérieure du vitrail …
Le grand prêtre et les lévites assistent comme témoins près des tables de la Loi. Le rideau du temple complète le décor de la scène.
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En descendant le bas côté sud, le premier vitrail représente Notre Dame de La Salette apparaissant en septembre 1846* à deux jeunes bergers, Maximin et Mélanie.
L‘évènement se déroule à 1770 mètres d’altitude dans les alpages, en Dauphiné. A la limite de l’Isère et des Hautes Alpes, l’apparition authentifiée en 1851 entraîne la construction d’une basilique sur le site, 10 années plus tard.
L‘édification de l’église Notre Dame de Montrevault correspond à cette période. Les larmes visibles sur le visage de la Madone laissent alors présager, selon les pasteurs de l’époque, les proches malheurs* de l’Europe.
* Les historiens rappellent que le « Printemps des Peuples » de 1848 remet en cause l’ordre établi, donc l’Eglise de Rome. En France, l’avènement de la 2ème République s’accompagne souvent d’anticléricalisme.
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Selon le bulletin paroissial de 1927, le deuxième vitrail sud représente Saint Yves. Don de Yvonne de la Roche, mariée à Lamothe de Règes.
Bienheureux protecteur de Bretagne, le personnage central se retrouve ici comme patron des gens de loi et des magistrats. Yves Hélory, né en 1248, étudie la théologie puis le droit à Paris et à Orléans. Curé de Trédrez en 1284 sous le nom de Erwan puis Tréguier, dans les Côtes d’Armor, il y exerce aussi son ministère comme official – on dirait président du tribunal – au nom de l’évêque, jusqu’à sa mort en 1303. Il acquiert la réputation d’avocat des pauvres et l’artisan verrier veut souligner l’attitude de serviteur du saint breton.
Depuis le haut Moyen-âge, le siège de la vicomté de Montrevault assure un rôle d’enregistrement et de reconnaissance pour le droit écrit. La famille donatrice tiendrait ainsi à rappeler la tradition entourant ce personnage.
On pourrait pourtant reconnaître ici Robert II le Pieux : « doué d’une charité admirable, il nourrissait chaque jour mille pauvres dans son palais, leur lavait les pieds et souvent les servait lui-même à genoux. On le voyait aussi, dans l’abbaye de Saint Denis, chanter les offices … Revêtu d’une chape royale, le sceptre à la main. » Ce paragraphe tiré d’un cours d’Histoire du Moyen-âge de l’abbé Courval en 1883, correspond davantage encore à cette image très colorée. Ce roi apparaît, on l’a noté, dans l’acte de donation à l’abbaye Saint Serge, du domaine de Saint Rémy et donc de Montrevault en l’an 1005. Parmi ces deux lectures, nous laissons observateurs et historiens juges de la meilleur interprétation.
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Le vitrail qui suit rappelle qu’en 1842, le Père Ratisbonne et son frère, d’origine juive, fondent deux congrégations portant le nom Notre Dame de Sion.
Plus tard, au XXème siècle, leurs disciples vont œuvrer pour le rapprochement entre juifs et chrétiens. Le nom de Sion est synonyme de Jérusalem et désigne une des collines de la ville de Palestine.
Le vitrail donné par le groupe local des « Mères chrétiennes ». On peut rapprocher cette association paroissiale des mouvements d’Action Catholique qui se sont développés au milieu du XXème siècle comme l’ACGF (Action Catholique Générale des Femmes).
Les 8 personnages qui vénèrent la Sainte Vierge représenteraient les Montrebelliens avec leurs différents groupes sociaux : les vêtements des uns et des autres sont assez caractéristiques de classes sociales présentes au chef-lieu de canton.
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Le dernier vitrail représente Saint Joseph. Il domine la cité telle qu’on pouvait la découvrir à la fin du XIXème siècle. Au début du XXIème siècle les regroupements paroissiaux ont d’abord donné le nom de Saint Antoine les Monts aux églises locales de Saint Pierre et Montrevault. Puis de nouvelles organisations diocésaines ont opté pour des regroupements plus larges. Saint Joseph en Mauges* est désormais le patronage de la nouvelle paroisse qui regroupe onze clochers. Elle correspond presque entièrement à l’ancien canton de Montrevault qui a existé jusqu’en 2013, hormis le Fief Sauvin rattaché à Notre Dame de Beaupréau. Quant à l’ancienne paroisse de Botz en Mauges elle reste traditionnellement attachée à la nouvelle organisation.
A la base de l’image représentant le père adoptif de Jésus tenant une fleur symbolique à la main, les pépinières apparaissent près de la douve de Raz-Gué. Sur la droite, la silhouette délabrée du château rappelle que ce n’est qu’à partir des années 1890 que le donjon sera relevé de ses ruines.
* Le vocable de Saint Serge – abbaye angevine millénaire – serait plus judicieux car il rappellerait les racines de ces paroisses séculaires des Mauges fondées dès le onzième siècle.
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Deux petites rosaces achèvent le décor avec,
près de Saint Michel, Moïse, le libérateur du peuple hébreu
et Saint Paul l’apôtre des gentils, au sud-ouest.
Quant au verrier qui signe ces réalisations très colorées, il s’agit des maîtres de l’entreprise Megnen, Clamens et Bordereau d’Angers.
En plus de leur propre démarche de croyant, les donateurs connus, issus pour la plupart de familles locales, ont fait là ce que décident à travers les âges les mécènes de tout obédience qui consacrent une partie de leur fortune à la création ou à la sauvegarde d’œuvres d’art.
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Arrivant au terme de notre visite en couleurs, il nous vient le désir de reporter ici une page écrite par un renommé voisin de Saint Florent le Vieil : Julien Gracq.
Ecrivain « grand format » il demeure familier de nos pays et jamais éloigné de la Loire. En rappelant qu’on peut toujours et facilement éviter Montrevault, lui dont le voyage constitue en soi un objectif, il plonge cette fois au cœur du site et se remémore combien il se sent alors proche de son père. Il précise :
« Quand je passe par le bourg de Saint Rémy en Mauges, et que le descends à la sortie vers Montrevault, le raidillon de la vallée étroite à mi- pente duquel s’accroche le clocher, je sais, j’ai compris à demi-mot que là, un soir, prenant le frais après diner par la plus belle nuit d’été, et entendant à travers les vitraux un chœur d’enfants qui répétait dans l’église, pendant quelques minutes il – mon père – a été dans le ravissement, et je me sens brusquement tout proche de lui, si différent de moi. »
Les photos de vitraux de cette église sont l’œuvre de Gérard Champion, après la prise de vue de chaque vitrail réalisée dans les années 2000 par Claude Grand. Les commentaires joints à chaque cliché ont été rédigés suite à de nombreuses recherches : mémoires locales, bulletins paroissiaux de la 1ère moitié du XXème siècle, encyclopédies, Bible de Jérusalem …
Jean-Marc Blin, novembre 2017